Desservir le territoire, distance-temps et effet tunnel


Le rapport des sociétés à leur territoire n'est pas seulement lié à ses caractéristiques physiques (relief ou insularité par exemple). 

Ils faut également les mettre en rapport avec des facteurs de géographie humaine, c'est-à-dire en lien avec l'occupation différenciée de leur espace par les sociétés humaines. 

L'enclavement (voir Glossaire) ou, au contraire, l'ouverture d'un espace et sa connexion au reste du territoire, dépend en grande partie des choix faits dans l'élaboration des réseaux de transport. 

Ces choix dépendent bien sûr de facteurs physiques (la haute-montagne décourage la construction de liaisons terrestres) mais en réalité surtout humains: les capacités techniques, le coût et l'estimation de la rentabilité des projets. Ainsi, le réseau TGV français couvre mieux les Alpes, un massif pourtant plus élevé, que le massif Central. En effet, l'enjeu est celui de la connexion à l'espace européen par l'Italie et la mégalopole et également la couverture de l'essentiel du domaine skiable français.

Dans l'anamorphose ci-dessus, on voit comment les liaisons ferroviaires grande vitesse "déforment" l'espace-temps: Lille, Lyon et Marseille, se trouve rapprochées de Paris, tandis que le reste du territoire, en particulier le Nord-Ouest et le Sud-Ouest paraissent lointains. La déformation prend d'ailleurs l'allure d'une étoile, conformément à la structure radiale du réseau TGV français. La carte ne prend pas en compte la mise en place du TGV Paris-Strasbourg, effective en 2007.

By NB80/wikimedia [CC BY S-A 3.0]
By NB80/wikimedia [CC BY S-A 3.0]

Dans la photographie, on voit la "gare des betteraves", surnom donné à la gare d'Estrée-Deniécourt ou gare TGV Haute-Picardie. Installée au milieu des champs, la gare se trouve à une trentaine de kilomètres d'Amiens. Notez que les deux voies du milieu n'ont pas de quai: le TGV Nord-Europe, le Thalys et l'Eurostar ne s'y arrêtent pas, ce qui est classique sur les LGV (lignes grande vitesse). La gare n'est pas ailleurs pas reliée à sa région, puisque, pour rejoindre Amiens, sa gare TGV et la ligne TGV Picardie, il faut prendre une navette.

La photographie illustre donc ce qu'on appelle l'effet tunnel: le passage du TGV apporte à l'espace traversé des nuisances (remplacement d'espaces anciennement cultivés ou boisés, bruit et divers impacts écologiques) sans lui donner les avantages liés à une fonction de nœud (ou pôle).

Notez la taille des quais. La gare, qui est quand même reliée à Paris (le trajet jusqu'à Roissy dure seulement une demi-heure), Lyon et le Sud de la France, a été construite en prévision d'une fréquentation importante, et avec l'idée de favoriser le développement d'une zone d'activité. Mais aujourd'hui, la gare, inaugurée en 1994, peine à créer une dynamique locale, même si des activités s'implantent ça et là: voir l'article de France TV Info, "Vingt ans après, la gare TGV Haute-Picardie reste plantée au milieu des betteraves"


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