La guerre d'Algérie

La guerre d'Algérie est un conflit colonial qui dure de 1954 à 1962. Avec la guerre d'Indochine, c'est le conflit le plus dur et le plus long de l'histoire de l'empire colonial français

 

Mais à la différence des autres colonies, l'Algérie, avec ses trois départements, est une partie du territoire français. C'est aussi une colonie de peuplement. Près d'un millions de colons européens (les pieds-noirs) y vivent depuis plusieurs générations, avec 9 millions d'Algériens musulmans qui n'ont pas les mêmes droits politiques.

 

Près de 2 millions de soldats français ont traversé la Méditerranée pour combattre en Algérie entre 1954 et 1962.

 

Le conflit a entraîné en France la chute de la Vè République. En Algérie, il s'est accompagné de centaines de milliers de morts et de la déstabilisation de l'économie. 

 

Le nouveau pouvoir en place, issu du FLN (Front de libération nationale) organise la mémoire de sa victoire. En France, au contraire, on essaye d'oublier et de faire oublier. C'est seulement au début du XXIè s. que l'histoire de ce conflit s'impose à la mémoire de tous.

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L'Algérie française

Pourquoi l'Algérie, que la métropole croyait tranquille depuis la suppression du code de l'indigénat et le statut de 1947, qui accorde aux Algériens musulmans le droit de participer aux élections des députés à l'Assemblée? 

Une société très inégalitaire

Les Français ont commencé à s'installer en Algérie en 1830. En 1848, l'Algérie est divisée en trois départements intégrés au territoire métropolitain. Les Français veulent faire de l'Algérie une colonie de peuplement. Au départ, les colons étrangers sont plus nombreux que les Français, mais les enfants européens nés en Algérie française obtiennent la citoyenneté française (à partir de 1889), ce qui permet d'assimiler les colons étrangers. Les juifs algérienssont également devenus français (1870).

 

En 1954, les Français forment 10% de la population et les Algériens musulmans 90%. 

La très grande majorité des Français (80%) vivent en ville et se concentrent en fait dans quelques grandes villes. Les Français sont également plus nombreux dans la partie Ouest (entre Alger et Oran) que dans la partie Est du pays. 

 

Mais les Français, bien que très peu nombreux, possèdent plus du quart des terres cultivables et leurs exploitations sont beaucoup plus grosses que celles des Algériens. La très grande majorité des Algériens des campagnes travaillent comme salariés sur les propriétés des Français. Les terres des Français sont plutôt dans les plaines autour des grandes villes du littoral, tandis que les paysans algériens ont des petites parcelles dans les montagnes de l'Est du pays (Kabylie, Aurès). 

 

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le code de l'indigénat, qui soumettait les Algériens à une justice pénale séparée, a été démantelé.

 

Les musulmans d'Algérie sont de nationalité française, mais ils ne sont pas tous citoyens français (seuls le sont ceux qui renoncent à leur statut personnel musulman, c'est-à-dire aux lois musulmanes). Très peu participent à l'élection des députés de l'Algérie au Parlement français. Les élections sont truquées par l'administration française, qui a peur de la montée électorale des nationalistes.

Le développement du nationalisme algérien

On assiste, après la Seconde Guerre mondiale, à un durcissement du nationalisme algérien?

Messali Hadj (ci-dessus à gauche) est considéré par les historiens comme le premier nationaliste algérien. Issu d'une famille populaire de Tlemcen, il a fait son service militaire en France pendant la Première Guerre mondiale. Marié avec une Française, il s'y est installé après la guerre. Il entre au parti communiste et devient le président d'une association de travailleurs maghrébins qui revendique l'indépendance du Maghreb et qui subit la répression des autorités françaises. En 1954, Messali Hadj est à la tête du MNA (mouvement national algérien). 

 

Ferhat Abbas (ci-dessus à droite) est issu d'une famille paysanne proche des autorités françaises. Il a fait des études de pharmacie  avant de devenir un notable proche des autorités françaises. Il est au départ favorable à la colonisation et souhaite une cohabitation des Français et des Algériens, égaux, mais intégrés dans des communautés différentes. Après 1945, il bascule du côté de l'indépendance.

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Algérie, contrôlée par les autorités de Vichy puis reprise par la résistance gaulliste essaye de négocier son autonomie. En 1945, des émeutes éclatent et sont réprimées dans la violence à Sétif et à Guelma, faisant des milliers de morts. En 1947, le statut accordé à l'Algérie déçoit les mouvements nationalistes. Les élections truquées exaspèrent les militants, qui commencent à préparer une insurrection (=une révolte).

 

Messali Hadj ne souhaite pas la violence. Son parti éclate: une partie des militants fondent le FLN (Front de libération nationale) et sa branche armée: l'ALN (Armée de libération nationale). C'est eux qui donnent le coup de lancement de la guerre, en appelant aux attentats de la Toussaint, qui ont lieu dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 (on parle de Toussaint rouge).  

La guerre

Le déclenchement: la Toussaint rouge et les première mesures

"Entre minuit et deux heures du matin, le 1er novembre 1954, l’Algérie est réveillée par des explosions. Du Constantinois à l’Oranie, incendies, attaques de commandos révèlent l’existence d’un mouvement concerté, coordonné. [...] Trente attentats presque simultanés contre des objectifs militaires ou de police, sont perpétrés.

Très vite, François Mitterrand, ministre de l’Intérieur, met à la disposition du gouvernement général de l’Algérie trois compagnies de CRS, soit six cents hommes qui quittent Paris en début d’après-midi, par avion [...]

L’insurrection provoque la mort de sept personnes. L’assassinat de l’instituteur Guy Monnerot dans les Aurès et du caïd profrançais de M’Chounèche, Hadj Sadok, soulèvent une vive émotion. Mais les attaques contre les postes de police, des casernes ou des installations industrielles n’ont pas l’ampleur que les initiateurs du 1er novembre espéraient.

Le réseau mis en place à Alger est démantelé par la police en moins de deux semaines. Seul l’Aurès, dans le Constantinois, pose un véritable problème militaire: les «rebelles» s’y sont assuré le concours des «bandits d’honneur». [...]

Il y a aussi la grande Kabylie, où plusieurs centaines d’hommes rompus à la clandestinité [...] sont prêts pour une action prolongée. En ce 1er novembre, personne ne pense sérieusement que la France vient d’entrer dans une nouvelle guerre. Les «événements» font deux colonnes dans Le Monde."

Benjamin Stora, Histoire de la Guerre d'Algérie.

 

La France sort tout juste d'un conflit colonial qui a duré 8 ans en Indochine. Au lendemain de la Toussaint rouge, personne en France n'envisage une insurrection générale en Algérie et encore moins une guerre d'indépendance.

La première réaction des Français est la répression et le renforcement de la sécurité.

Mais l'opinion en métropole est divisée entre la volonté de proposer des réformes sociales et économiques et la répression. Le gouvernement, dirigé par Pierre Mendès France, est renversé. Le nouveau gouvernement, dirigé par Edgar Faure, envoie en Algérie un nouveau gouverneur: Jacques Soustelle.

Jacques Soustelle visite l'Algérie et, devant le danger nationaliste, obtient que l'Assemblée nationale vote l'Etat d'urgence: l'armée reçoit des pouvoirs supplémentaires dans les Aurès et est autorisée à procéder au regroupement des populations dans des camps d'hébergement. 

En guerre

Les émeutes du 20 août 1955

 

Les historiens considèrent que la guerre d'Algérie commence véritablement avec les émeutes du 20 août 1955

 

"Le 20 août 1955, des milliers de paysans algériens se soulèvent et se ruent à l’assaut de villes du Nord-Constantinois, dans le quadrilatère Collo-Philippeville [Skikda]-Constantine-Guelma.

[...] Ce jour-là, les responsables du FLN entendaient marquer le deuxième anniversaire de la déposition, par les Français, du sultan du Maroc, Sidi Mohammed Ben Youcef. La guerre prend son vrai visage dans ce Constantinois où la coexistence des communautés a toujours été plus tendue que dans le reste de l’Algérie. Dix ans après les «événements» de Sétif et Guelma, en mai 1945, on retrouve la même explosion de violence, relayée par une répression aveugle et démesurée. Plusieurs milliers de fellahs (paysans, ouvriers agricoles), vers midi, pénètrent dans une trentaine de villes et de villages. Ils sont faiblement encadrés par quelques soldats de l’ALN (l’Armée de libération nationale, branche armée du FLN) en uniforme, qui s’attaquent à des postes de police, de gendarmerie, divers bâtiments publics. Ces paysans sont survoltés: une rumeur court d’un débarquement égyptien à Collo…De nombreux Français, mais aussi des musulmans sont assassinés à coups de hache, de serpe, de pioche ou de couteau. Des personnalités politiques sont atteintes [...]. Le bilan des émeutes se solde par 123 morts, dont 71 dans la population européenne." 

(Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie)

 

La France se considère désormais en guerre. La répression est terrible et on ne parle plus de réformes. La "question algérienne" est débattue à l'ONU et la France accélère les indépendances tunisienne et marocaine.

Mais surtout, la France renforce sa présence militaire en Algérie: des jeunes soldats qui viennent de finir leur service militaire sont rappelés sous les drapeaux et d'autres, qui sont en train de le terminer, sont maintenus dans l'armée. Ils tentent de se soulever, mais ne reçoivent que peu de soutien.

A la fin de 1955, le gouvernement Edgar Faure est renversé et la répression, après la diffusion d'images montrant des exécutions sans sommation, fait scandale. Guy Mollet, un socialiste, devient président du conseil et Jacques Soustelle est remplacé par le général Cartroux. Mais celui-ci, accueilli avec hostilité par les Français d'Algérie, est remplacé Robert Lacoste. Guy Mollet lui-même, en visite à Alger, est accueillis par des jets de tomates.

L'Algérie est découpée en trois zones militaires : zone de pacification, zone d'opération et zone interdite et les habitants de la zone interdite sont évacués vers des camps d'hébergement. Le 16 mars 1956, un loi sur les pouvoirs spéciaux est votée: elle suspend la plupart des libertés individuelles. Cette loi est adoptée à une majorité de 455 voix contre 76. Même le Parti communiste a voté pour. De nouveaux soldats sont mobilisés et le service militaire et prolongé. C'est la gauche qui aura pris la décision de la guerre.

Cette vidéo se trouve sur le site de la Ligue des Droits de l'Homme de Toulon, où on peut lire l'histoire de ces images, prises dans un petit village de la région de Constantine le 22 août 1955 par le journaliste Georges Chassagne pour les chaînes d'actualité française, Gaumont, et américaine, Fox-Movitone. Gaumont décide de ne pas publier les images, mais celles-ci, publiées à l'étranger, parviennent en France. L'Express publie un montage photo tiré de la vidéo. 

A gauche, Ahmed Ben Bella (portant un long manteau) et les autres chefs du FLN lors de leur arrestation en octobre 1956. A droite, Ahmed Ben Bella devenu président de l'Algérie (portrait officiel, 1963-65).

Fin 1956, un avion marocain qui devait transporter des chefs du FLN jusqu'en Tunisie est intercepté par les Français. Quatre personnages sont arrêtés, parmi lesquels Ahmed Ben Bella. 

Cette arrestation n'empêche pas le FLN d'accentuer sa pression en utilisant des techniques de guérilla (=guerre indirecte) : les attentats se multiplient à Alger, des grèves sont organisées dans les grandes villes et les hommes de l'ALN, aidés des habitants, tendent des embuscades aux soldats français.

 

Ces soldats, à la fin de 1956, sont au nombre de 350 000 (alors qu'ils n'étaient que 54 000 deux ans plus tôt), mais beaucoup sont très jeunes et inexpérimentés. En face, l'ALN compte près de 60 000 hommes.

La "bataille" d'Alger (1957)

 

Face au pourrissement généralisé de la situation, Guy Mollet décide de mettre à la tête de l'armée française d'Algérie le général Salan, qui a fait la guerre d'Indochine et connaît bien les techniques de guérilla. Par ailleurs, début 1957, après l'assassinat d'un représentant important des pieds-noirs, le général Massu est chargé de "pacifier" Alger, c'est-à-dire d'y mettre fin à la guérilla, avec 8000 parachutistes. Il réussit à mettre un terme aux attentats à Alger, mais au prix d'une véritable crise morale: la question de la torture divise désormais les Français.

 

 

"Le 7 janvier 1957, 8000 paras pénètrent dans la ville [...]. La «bataille d’Alger» commence. Les 9 et 10, deux explosions créent la panique dans deux stades d’Alger. Mais l’horreur atteint son point culminant le 26. À quelques minutes d’intervalle, deux charges explosent au bar «L’Otomatic», puis au café du «Coq hardi», en plein centre d’Alger. Deux Algériens musulmans sont lynchés par une foule européenne exaspérée. Le 28 janvier, en liaison avec les débats de l’ONU, le FLN lance un ordre de grève générale de huit jours. L’armée brise la grève. À tout instant et en tout lieu, les hélicoptères se posent sur les terrasses de la Casbah. Dans la ville divisée en secteurs, les quartiers musulmans sont isolés derrière des barbelés, sous la lumière des projecteurs. Le général Massu, doté des pouvoirs de police sur la ville, a la charge de rétablir l’ordre [...]. Le terrorisme sert à justifier le recours à tous les moyens. Les hommes de Massu arrêtent massivement, fichent systématiquement, et [...] pratiquent la torture. Le leader du FLN Larbi Ben M’Hidi est arrêté le 17 février, et sera ensuite «suicidé». C’est bien «le sang et la merde», comme le dit le colonel Marcel Bigeard, une affreuse bataille au cours de laquelle les bombes hachent des dizaines de victimes européennes, tandis que les paras remontent les réseaux, découvrent les caches, débusquent les chefs du FLN installés dans la ville. Leurs moyens L’électricité (la «gégène»), la baignoire, les coups. Il y a des sadiques parmi les tortionnaires, bien sûr. Mais beaucoup d’officiers, de sous-officiers et de soldats vivront toute leur vie avec ce cauchemar. [...] Le 28 mars 1957, le général Paris de Bollardière demande à être relevé de ses fonctions. Il n’admet pas l’utilisation de la torture, qu’il a connue et combattue au temps de l’occupation allemande." 

Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie.

 

La "pacification" du pays

 

Les parachutistes interviennent également dans les zones rurales, notamment dans les montagnes. Une ligne électrifiée de 450 kilomètres (la ligne Morice, du nom du ministre de la Défense qui l'a mise en place) limite les déplacements des fellaghas entre l'Algérie et la Tunisie, où ils ont des camps d'entraînement.

Dans les campagnes et dans les camps d'hébergement, des soldats français alphabétisent et soignent les paysans et tentent de les mettre de leur côté et de les enrôler dans les forces armées.

Début 1958, l'armée considère que la guerre d'Algérie est gagnée.

 

La guerre entre le FLN et le MNA

 

A partir de 1956, tous les mouvements nationalistes, à l'exception du MNA, se rallient au FLN, à l'occasion du congrès de la Soummam (nom d'un massif montagneux de Kabylie). C'est à ce moment que Ferhat Abbas rejoint le FLN. Même les dignitaires (=les chefs) religieux (qui appartenait au mouvement des Oulémas) se rallient. Mais surtout, le congrès de la Soummam jette les bases d'un Etat algérien et d'une véritable armée. 

Parallèlement à la guerre entre les nationalistes algériens et l'armée française, se déroule entre 1955 et 1962 une autre guerre, qui oppose le MNA de Messali Hadj et le FLN. Cette guerre fait près de 10000 morts. 

La République au péril de l'Algérie

En métropole, une situation de plus en plus tendue

 

En France, l'état d'urgence justifie la censure (=la limitation de la liberté d'expression) sur les journaux et les productions audiovisuelles (radio, télévision, cinéma).

Des dizaines de milliers d'Algériens, considérés comme des militants nationalistes, sont assignés à résidence, en Algérie, mais aussi en France. Des condamnations à mort sont prononcées et exécutées.

En 1957, les soldats du contingent (c'est-à-dire les jeunes gens qui font leur service militaire) ont commencé à être envoyés à Algérie. 

L'immigration algérienne est multipliée par deux pendant la guerre, en raison de la forte augmentation du chômage en Algérie. Entre 350 000 et 450 000 Algériens (principalement des hommes jeunes) vivent France métropolitaine en 1962. 

 

 

 

 

 

 

Ahmed Zabana est un indépendantiste algérien. Il est le premier indépendantiste algérien condamné à mort et guillotiné en 1956 pour le meutre du garde forestier François Braun la nuit de la Toussaint rouge. Il est aujourd'hui considéré comme un héros national en Algérie. 

La France commence à être critiquée par les autres pays, d'autant plus que Nasser, leader du panarabisme, soutien l'indépendance de l'Algérie. 

De nombreux pays, communistes et occidentaux (y compris les Etats-Unis et le Royaume-Uni), aident le FLN en lui livrant des armes. 

 

En février 1958, le bombardement par la France d'un village tunisien, Sakiet Sidi Youssef, abritant une base de l'ALN fait scandale dans le monde: on compte plus de 200 morts et blessés, dont de nombreux enfants. 

En France, les gouvernements tombent les uns après les autres. Les Français d'Algérie sont de plus en plus en colère contre la métropole, qu'ils jugent impuissante.  

Le comité du salut public

Le 13 mai 1958, une manifestation énorme a lieu à Alger en mémoire de soldats du contingent exécutés par le FLN. Cette manifestation tourne à l'émeute.

En France, le gouvernement qui vient d'être nommé proclame le blocus de l'Algérie.

Le lendemain, le général Salan proclame un comité du salut public en attendant que le général de Gaulle prenne le pouvoir.

En effet, depuis plusieurs semaines, de nombreuses personnalités publiques réclament son retour et le présentent comme le seul homme capable de redresser la situation. 

De la reprise en main du conflit par Charles De Gaulle à l'indépendance

L'arrivée au pouvoir de de Gaulle et la mise en place de la Vè République

 

Une tentative de coup d'Etat en Corse, organisée fin mai par des partisans de l'Algérie française, précipite l'arrivée au pouvoir de de Gaulle: ce dernier devient Président du conseil le 1er juin.

Il se rend aussitôt en Algérie, où il prononce, en face d'une foule déchaînée, qui compte sur lui pour mettre fin à la guerre et garder l'Algérie à la France, son célèbre "je vous ai compris" (cliquez sur l'image pour voir la vidéo).

Il propose une nouvelle constitution, adoptée par référendum, qui donne des pouvoirs très importants au président et au gouvernement, de manière à éviter l'instabilité gouvernementale (=les chutes répétées des gouvernements). C'est le début de la Vè République, dont de Gaulle est élu président.

Les hésitations de la politique algérienne de de Gaulle

 

L'oeuvre de de Gaulle en Algérie est complexe et comprend deux étapes:

Dans un premier temps, il continue à pousser l'avantage militaire de la France tout en proposant des réformes.

-Il commence, fin 1958, par proposer la "paix des braves": le FLN se rend et une amnistie générale est accordée. Le FLN refuse.

-Il propose par ailleurs un vaste plan de réformes destinées à relever le niveau socio-économique des musulmans d'Algérie

-Il remplace le général Salan par le général Challe. Ce dernier est chargé de poursuivre et d'accentuer la "pacification" du pays.  

Mais à partir de septembre 1959, un tournant (=un changement de politique) important est pris: de Gaulle annonce à la télévision qu'il veut proposer aux Algériens l'autodétermination. Le général Massu, qui s'est déclaré hostile à la politique de de Gaulle, est remplacé. 

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Dans son allocution télévisée du 16 septembre 1959, De Gaulle commence par établir, comme condition pour que les Algériens puissent décider de leur avenir, la paix.

Il dénigre par ailleurs, sans jamais le nommer, le FLN, en affirmant que les Algériens doivent pouvoir se prononcer individuellement, c'est-à-dire sans être influencés par le FLN.

Au passage, il affirme que l'Algérie n'a, dans le passé, jamais été une nation et que c'est aujourd'hui seulement que les Algériens doivent décider s'ils en forment une ou non.

De Gaulle propose trois solutions: la sécession (une Algérie complètement indépendante, à laquelle il ne croit pas), la francisation complète (l'égalité absolue de droits entre Algériens et Français), l'union entre la France et l'Algérie, car l'Algérie a besoin de la France pour son développement social et économique. C'est cette dernière solution qui a sa préférence.

Au cas où les Algériens choisiraient la sécession, de Gaulle tient à rassurer ses compatriotes sur deux points:

-le Sahara et son pétrole resteraient français

-les Français d'Algérie et tout Algérien qui souhaiterait rester français seraient pris en charge pour leur transfert et leur installation en France. Ici, c'est bien sûr les pieds noirs que de Gaulle est en train d'essayer de rassurer. Ces derniers savent en effet qu'ils n'ont aucune chance de pouvoir vivre dans une Algérie indépendante après les souffrances que l'armée française et les milices pieds-noirs ont infligées aux Algériens.

La semaine des barricades (janvier 1960)

 

Les Français d'Algérie ne sont pas convaincus. Ils vivent désormais dans la peur de l'indépendance algérienne. 

Le 24 janvier 1960, des émeutes éclatent à Alger et font 20 morts et 150 blessés. Pendant une semaine, les activistes pieds-noirs se retranchent derrière des barricades, mais l'armée ne leur apporte pas le soutien qu'ils espéraient. De Gaule, à la télévision, condamne les émeutes et se montre inflexible : "je dois être obéi de tous les soldats français".

Conscient que ce n'est pas sur le front militaire que la question algérienne va se régler, il entame des pourparler en juin 1960 avec le FLN.

 

Le référendum sur l'autodétermination

 

De Gaulle, pour donner à sa politique une légitimité démocratique, organise un référendum en janvier 1961 sur l'autodétermination. Il obtient 75% de oui en métropole et 69% en Algérie. 

Les négociations s'ouvrent à Evian.

 

L'OAS et le putsch d'Alger

 

Le général Salan, interdit de séjour en Algérie, décide, avec deux leaders de la semaine des barricades, de convaincre l'armée d'empêcher l'indépendance. C'est la création de l'OAS (organisation armée secrète) en février 1961.

En avril, l'OAS organise le putsch d'Alger: les officiers rebelles s'emparent du palais du gouvernement et le général Challe (que de Gaulle a remplacé à cause de son soutien aux pieds-noirs en 1960) fait le communiqué suivant: " Je suis à Alger avec les généraux Zeller et Jouhaud et en liaison avec le général Salan pour tenir notre serment, le serment de l’armée de garder l’Algérie".

De Gaulle se fait confier les pleins pouvoirs (en vertu de l'article 16 de la constitution) et dénonce à la télévision "un quarteron de généraux à la retraite" qui manquent de réalisme politique. Les soldats du contingent, majoritaires dans l'armée française en Algérie, sous l'influence de cette déclaration, refusent de suivre leurs officiers. Finalement, Challe se rend, certains putschistes sont arrêtés et Salan et d'autres s'enfuient.

Commence alors le moment le plus dur pour l'armée française en Algérie: elle doit à la fois affronter le FLN, qui veut pousser au maximum son avantage pour les négociations d'Evian et l'OAS, qui multiplie les attentats. Cette organisation secrète, qui disposait au départ de 300 activistes, compte désormais 100 000 pieds-noirs, prêts à tout faire pour garder l'Algérie aux Français.

Le situation se tend aussi en France métropolitaine. Ici, les Algériens font l'objet d'une méfiance générale. Un couvre-feu (interdiction de circuler après 20 heures) leur est imposé à Paris en octobre 1961. 30 000 Algériens manifestent. La répression, très dure, sous les ordres du préfet de police Maurice Papon, fait 200 morts et s'accompagne de 12 000 arrestations. 

 

Les négociations d'Evian et la "terrible fin de la guerre" (Benjamin Strora)

  

Elles ont lieu entre le GPRA (gouvernement provisoire de la République algérienne), présidé par Ferhat Abbas et la France, sur fond de terrorisme de l'OAS, qui multiplie les attaques contre les institutions, l'armée, mais aussi les musulmans. Ces attentats ont également lieu en France métropolitaine. Des intellectuels de gauche, comme Jean-Paul Sartre et André Malraux, sont également la cible d'attentats. 

En février 1962, la gauche française manifeste à Paris contre cette montée de la violence de l'OAS. Elle se heurte à une répression violente, notamment à la station de métro Charonne, restée un lieu de mémoire de la guerre d'Algérie en France métropolitaine.

Les accords d'Evian sont signés le 18 mars 1962. Le 19, le cessez-le-feu est proclamé. L'indépendance est approuvée par référendum, en juillet, par la quasi-totalité (99.7%) de la population. Des compromis sont trouvés entre le GPRA et la France pour l'exploitation des hydrocarbures du Sahara et la France s'engage à poursuivre les actions de développement économique et social engagées en Algérie depuis 1958.

Ces accords entraînent un déchaînement de violence de l'OAS, malgré l'arrestation de Salan et de Jouhaud. L'OAS ira jusqu'à attaquer à l'arme à feu la voiture présidentielle (c'est l'attentat du Petit-Clamart, le 22 août 1962, mais cet attentat n'en est qu'un parmi de nombreuses autres tentatives de tuer le Président de la République).

Chaque jour, 8000 à 10 000 pieds-noirs quittent l'Algérie.

Dans l'urgence de l'évacuation des pieds-noirs, les harkis, soldats algériens qui se sont mis au service de la France contre l'ALN, sont négligés. Sur près de 260 000, seulement 42 000 sont pris en charge.

Les Européens souffrent de la vindicte (=désir de revanche, de vengeance) des musulmans d'Algérie. 

 

Document. Charonne. 17 octobre 1961

"'Comme au moment de la manifestation algérienne du 17 octobre 1961, Maurice Papon est le préfet de police de Paris [...]. La station de métro Charonne va entrer, ce soir-là, dans les lieux de la mémoire collective de la gauche [...]. Prise de panique, la foule s’engouffre dans la bouche de ce métro, dont une grille à demi fermée retient les corps de ceux qui trébuchent. Sur cet amas humain, qui obstrue complète-ment l’entrée, des témoins voient un groupe de gardiens casqués «entrer en action». Ces policiers tapent dans le tas à coups de «bidule» (de longues matraques en bois), projettent une table de café, des sections de fonte arrachées aux grilles de protection des arbres… Au milieu des cris, des gémissements, des couches de blessés enchevêtrés, on retire huit cadavres. Le mardi 13 février, les funérailles des huit victimes de Charonne sont suivies par une foule impressionnante estimée à 500 000 personnes. Une grève générale, ce jour-là, arrête les trains, ferme les écoles et laisse les journaux muets (Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie).

 

Document. Émeutes anti-européennes après l'indépendance à Oran. 5 juillet 1962

 "Le 5 juillet 1962, c’est le drame à Oran. La foule des quartiers musulmans envahit la ville européenne, vers 11 heures du matin. Des premiers coups de feu éclatent. On ignore les causes de la fusillade. Pour les reporters de Paris-Match, présents sur place, «on parle, bien sûr, d’une provocation OAS, mais cela semble peu vraisemblable. Il n’y a plus de commandos, ou presque, parmi des Européens qui sont demeurés à Oran après le 1er juillet, que d’ailleurs, on considérait là comme une date au moins aussi fatidique que l’an 40». Dans les rues, soudain vides, commence une traque des Européens. Sur le boulevard du Front de mer, on aperçoit plusieurs cadavres. Vers le boulevard de l’Industrie, des coups de feu sont tirés sur des conducteurs dont l’un, touché, s’affaisse au volant tandis que la voiture s’écrase contre un mur. Une Européenne qui sort sur son balcon du boulevard Joseph-Andrieu est abattue. Vers 15 heures, l’intensité de la fusillade augmente encore. À un croc de boucherie, près du cinéma «Rex», on peut voir, pendue, une des victimes de ce massacre." (Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie).

Un bilan très lourd des deux côtés

Le bilan militaire et humain

Le bilan est difficile à dresser, car les autorités, des deux côtés, n'ont pas voulu publier des chiffres précis. Malgré tout, les historiens proposent des estimations.

 

La guerre a fait entre 300 000 et 500 000 morts. La majorité se trouvent du côté algérien, parmi lesquels beaucoup de civils. L'Algérie a perdu entre 2 et 3% de sa population musulmane. 0.5% des Français et Européens d'Algérie sont morts. Parmi les morts, il faut tenir compte:

-des soldats français: 25 000 morts

-du terrorisme du FLN: près de 19 000 morts, majoritairement musulmans

-des luttes entre tendances nationalistes : près de 10 000 morts

-des victimes de l'OAS : près de 2200 morts, majoritairement des musulmans, mais il y a aussi des Français d'Algérie et de métropole.

 

Après l'indépendance, des dizaines de milliers de harkis, favorables à la France, ont été massacrés et les autres ont quitté l'Algérie pour se réfugier en France.

 

La France a tué plus d'Algériens que le FLN mais le FLN, de son côté, a tué plus d'Algériens que d'ennemis français. 

 

La guerre a semé le doute au sein de l'armée française. De nombreux officiers supérieurs ont été renvoyés car ils dénonçaient l'atrocité de la guerre et souhaitaient l'indépendance de l'Algérie. Aujourd'hui encore, les violences commises par l'armée française continuent de faire scandale. 

Le bilan politique

En France

 

La guerre provoque une crise du nationalisme français: jusqu'ici, il était fondé sur la grandeur de l'empire colonial. Désormais, le général De Gaulle réoriente le nationalisme vers l'affirmation de la grandeur de la France à travers l'aide au Tiers-monde.

 

Pendant le conflit, l'opinion française oscille (=hésite) entre l'indifférence et des mobilisations ponctuelles: contre l'envoi du contingent, contre la torture, contre la répression policière (au moment notamment de l'épisode du métro Charonne). Dans les sondages d'opinion, la question algérienne n'apparaît pas comme celle qui domine l'actualité politique.

 

On ne compte que 200 à 300 réfractaires dans l'armée (soldats qui refusent de se battre) et un millier de militants en métropole qui organisent un réseau de solidarité envers les Algériens.

Des articles paraissent dans la presse pour dénoncer la torture. Un ouvrage d'Henri Alleg, La Question (le titre est un jeu de mots: "question" signifie à la fois "la torture" et "problème"), paru en 1958, ne circule qu'à 60 000 exemplaires avant d'être censuré.

 

Parallèlement, les Français n'étaient pas spécialement attachés à l'Algérie française ou à la colonisation en général: ils l'étaient seulement de manière passive. Surtout, les Français n'ont pas envie de se considérer en guerre car cela leur rappellerait trop les Années noires (la période de l'occupation allemande et de Vichy). 

 

Quelques intellectuels proches du parti communiste et du mouvement tiers-mondiste, comme Sartre et Malraux, expriment leur solidarité avec l'Algérie et le refus du colonialisme.

 

En Algérie

 

Le FLN installe un régime autoritaire: les expériences démocratiques qui ont eu lieu pendant la lutte pour l'indépendance sont oubliées.

Ahmed Ben Bella devient président, jusqu'en 1965. Il est ensuite victime d'un coup d'Etat organisé par un de ses ministres, Houari Boumedienne, chef de l'état-major de l'ALN pendant la guerre (1959-62). 

Boumedienne renforce le pouvoir du parti unique et reste en poste jusqu'à sa mort en 1978.

Il poursuit également la politique de rapprochement avec l'URSS de son prédécesseur et la modernisation économique et sociale inspirée du socialisme.

L'Algérie est alors un des acteurs principaux du mouvement tiers-mondiste et anti-impérialiste et un modèle pour d'autres pays arabes. Les relations avec la France restent marquées par la guerre d'indépendance et ne se normalisent véritablement qu'au début du XXIè siècle (sous la présidence de Bouteflika). 

C'est seulement après la mort de Boumedienne que l'Algérie se démocratise, sous la présidence de Chadli Bendjedid (1979-1992).

Mais cette démocratisation aboutit à la montée électorale de l'islamisme algérien. Une guerre civile couvre l'ensemble des années 1990 et le début des années 2000.

Abdelaziz Bouteflika, un ancien de l'ALN, devenu président en 1999, est encore en fonction aujourd'hui. C'est lui qui met fin au terrorisme islamiste dans le pays et s'attache a redresser l'économie.

Le bilan économique

Pendant la guerre, la moitié des ruraux algériens a changé de résidence:

-plus de deux millions de personnes ont été déplacés par les Français depuis les zones déclarées interdites

-d'autres déplacements de population ont eu lieu des zones les plus troublées vers les zones les plus calmes ou vers les pays voisins.

Ces déplacements désorganisent l'économie rurale.

Le départ des pieds-noirs vers la France accélère cette désorganisation.

La guerre d'Algérie: quelle mémoire? 

Des lois d'amnistie (consistant à oublier les fautes de ceux qui ont participé aux "événements d'Algérie") sont votées entre 1964 et 1982, sous des gouvernements de gauche et de droite. La mémoire de la guerre d'Algérie occulte (=laisse cachée) la question de la torture généralisée jusqu'aux année 1990.

C'est seulement en 1992 que la première exposition consacrée à la guerre d'Algérie a lieu à Paris. Les reportages télévisés se multiplient.

C'est seulement en 1999 que le Parlement adopte une loi qui remplace, dans les textes législatifs, l'expression "opérations de maintien de l'ordre" par "guerre d'Algérie" (ou, pour les deux autres pays décolonisés du Maghreb, "combats en Tunisie et au Maroc").

Par ailleurs, la parole des victimes et des militaires qui ont participé à la torture se libère. Le général Paul Aussaresses écrit en 2001 un ouvrage dans lequel il assume la pratique de la torture et des exécutions de masse pendant la bataille d'Alger. 

Les historiens, avec l'ouverture progressive des archives de la guerre, s'emparent également de la question. Ils montrent, pendant la guerre d'Algérie, l'existence d'un véritable "système de la torture". 

C'est seulement en 2012 que la France a reconnu sa responsabilité dans l'abandon des harkis pendant la guerre d'Algérie (c'était un des engagements de campagne du président Nicolas Sarkozy; voir l'article du journal Le Point. ).

Paul Aussaresses et la torture

Pour approfondir

Guy Pervillé, La guerre d'Algérie, Paris, PUF, 2015. 

 

Benjamin Stora, Histoire de la guerre d'Algérie, Paris, La Découverte, 2004.

 

Antoine Prost, Carnets d'Algérie, Paris, Tallandier, 2005.

 

Cherchez dans Wikipedia la biographie des grandes figures du nationalisme algérien.

Faire votre fiche de révision.

 

Fiche de chapitre et notions: ici.


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Commentaires: 1
  • #1

    Mohamed Larbi Madaci (vendredi, 28 avril 2017 17:04)

    Je vous informe qu'il a été édité en Algérie un livre " Les Tamiseurs de sable" ( ANEP 2011 ) qui traite de l'insurrection algérienne de 1954 à 1959 dans l'Aurès Nememchas. Il serait intéressant de le lire pour connaitre les vues de l'autre bord.